Article paru dans la revue Camarade numéro 6, novembre 1977
« Bologne est la ville la plus libre du Monde » ZANGHERI 1977
« L’URSS est l’Etat le plus démocratique du Monde » STALINE 1939
Le Congrès de Bologne avait pour objectif de dénoncer la répression qui a suivi les évènements de mars 77, répression dont la manifestation la plus spectaculaire fut l’intervention des chars dans la rue.
Ce rassemblement a dépassé largement le cadre d’une simple dénonciation et a été la confirmation de la force du mouvement, et de l’autonomie ouvrière comme alternative au compromis historique. Ce mouvement se compose de tous ceux qui refusent la politique du PCI, (collaborant étroitement à la gestion du pouvoir: approbation dans les faits du maintien de l’ordre, limitation des droits de défense, aménagement du capital face à la crise). Il se compose de ceux qui ne se reconnaissent pas dans les diverses organisations d’extrême-gauche (LC, MLS, AO). Celles-ci, après la fin de la grande illusion d’un gouvernement de gauche, étant passées sans problèmes de la pratique idéologique à la critique de l’organisation révolutionnaire.
A travers ce mouvement, on peut parler de recomposition de classe: c’est-à-dire sortir de l’analyse gauchiste ouvrièriste et plutôt se rendre compte de l’existence de nouveaux espaces, de nouveaux pôles de lutte incluant les marginalisés du système capitaliste, toutes ces figures de classes intermédiaires que l’on retrouve dans les mouvements des femmes, des immigrés, des chômeurs prolétaires, des travailleurs précaires et des étudiants, ces chômeurs en puissance et travailleurs au noir en réalité.
Bologne a donc été non seulement un moment de regroupement de tous ceux qui s’étaient mobilisés pendant l’année pour lutter sur tous les terrains sociaux (nucléaire, radios, autoréductions dans les cinés et les restaurants), pour se les réapproprier, un lieu de confrontation du mouvement sur les différentes pratiques révolutionnaires, mais aussi un point de départ d’un nouveau cycle de luttes comme élaboration critique d’un projet pour et dans l’autonomie.
Ce congrès, dès le premier jour, s’est transformé en conflit politique entre Autonomie Ouvrière et les les différents groupes gauchistes (LC, AO, MLS). Sur deux points fondamentaux: les rapports du mouvement avec le PCI et le problème de l’organisation.
Sur le premier point, les groupes gauchistes tentèrent d’impulser leurs pratiques traîne-savates derrière le PCI, essayant d’expliquer que la solution se trouvait dans les syndicats, là où se trouve « la vraie base ». Au contraire, Autonomie Ouvrière affirmait que le mouvement devait proposer l’alternative sur d’autres terrains, qu’il devait conserver son autonomie face aux syndicats et aux partis réformistes, et que ces bases seules permettraient l’affirmation et le renforcement du mouvement.
Sur le second point, Autonomie Ouvrière a affirmé son hégémonie politique évitant ainsi au mouvement de se scinder, les partis gauchistes voulant isoler ce qu’ils appellent « le parti armé » (1), du reste.
La peur d’une offensive militaire s’est transformée au cours du congrès, en recul devant l’offensive politique d’un mouvement organisé. La décision d’une manifestation non-violente allait dans ce sens, c’est-à-dire qu’Autonomie Ouvrière a montré que l’utilisation de la violence est liée aux besoins du mouvement et que celle-ci n’était pas le fait de provocateurs ou d’inorganisés, comme l’avait prédit la presse bourgeoise qui espérait des débordements sanglants.
L’importance de Bologne est d’avoir été un moment d’organisation du mouvement, de structuration de l’autonomie capable ainsi d’élaborer un projet politique offensif et de se donner les moyens de l’appliquer.
Cette victoire du mouvement trouve son résultat stratégique dans la mobilisation générales qui a suivi 5 jours plus tard lors de l’assassinat du militant de Lotta Continua par des fascistes. A Rome a eu lieu une manifestation de plus de 150 000 personnes dont 30 000 sont sorties de la manif derrière Via dei Volsci (l’inter-comité de quartier d’Autonomie Ouvrière à Rome) pour détruire tous les locaux fascistes de la ville. De même, dans toutes les villes d’Italie on a assisté à des manifestations énormes, très violentes, créant un rapport de force politique tel que le PCI ne put qu’encaisser ce « mouvement de révolte » contre le fascisme, sans le critiquer.
(1) Le premier jour du congrès, l’Unità (journal du PCI) faisait la séparation entre la partie « raisonnable » du mouvement et Autonomie Ouvrière qu’il appellait « parti armé ». Le second jour ) l’intérieur même d’Autonomie Ouvrière il faisait la séparation entre ceux qui veulent discuter (Milan avec Scalzone) et les provocateurs (Rome).