Prison de haute sécurité de Voghera – 1983
Susanna Ronconi
Les uniformes en tissu rêche avec l’insigne sur le dos « Trani – 1944 » (mais ce qu’on était belles quand même, bâtards, dieu ce qu’on était belles). Et quand ils mettaient de la musique immonde à plein volume dans les hauts-parleurs, dans tous les couloirs, pour nous empêcher de communiquer entre nous, nous chantions plus fort, jusqu’à gonfler les veines de nos cous. Et quand, au moment de l’arrivée, ils nous mettaient nues en rang et nous faisaient faire six flexions puis nous poussaient de force sous les douches chaudes, pour voir si nos vagins, décontractés par la chaleur, auraient laissé tomber des explosifs, des messages chiffrés, des documents politiques, des lettres d’amour clandestines, on ravalait nos larmes, et on cherchait nos regards les plus méprisants, et même, des étincelles d’ironie. Et quand, revêtues de l’uniforme nazi, des chaussettes couleur militaire qui descendaient aux chevilles à chaque pas et des chaussures en carton, pressées par le souffle des flics dans nos cous, qui donnait le rythme de l’ouverture de l’infinie théorie des portails blindés en répétant « avance, putain ». Oui, même là on était belles, bâtards, dieu ce qu’on était belles.
Voghera – Massima Sicurezza – 1983
Susanna Ronconi
Le divise informi di stoffa ruvida con stampigliato sulla schiena « Trani – 1944 » (ma eravamo belle lo stesso, bastardi, Dio se eravamo belle). E quando mettevano brutta musica a tutto volume sparata dagli altoparlanti in tutti i corridoi per impedirci di comunicare tra noi, noi cantavamo più forte, fino a gonfiare le vene del collo. E quando, al momento dell’arrivo, ci mettevano nude in fila e ci facevano fare sei flessioni e poi ci cacciavano a forza sotto le docce calde, per vedere se la vagina, rilassata dal calore, lasciava cadere esplosivi, messaggi cifrati, documenti politici, lettere d’amore clandestine, cacciavamo le lacrime in gola e cercavamo i nostri sguardi più sprezzanti e, perfino, qualche scintillio di ironia. E quando, rivestite delle divise naziste, e calze color militare che scendevano al polpaccio ad ogni passo e scarpe di cartone, incalzate dal fiato sul collo dello sbirro che dava il ritmo dell’apertura dell’infinita teoria dei cancelli blindati ripetendo « muoviti puttana ». Sì, anche allora eravamo belle, bastardi, Dio se eravamo belle.